vendredi 6 juillet 2012

Colloque du MAGE à la Sorbonne, 21 Juin 2012
Imposition séparée : un levier pour l’égalité ?


Cette nouvelle rencontre est une très belle illustration car la question de l’imposition séparée des ménages constitue assurément un sujet d’actualité pourtant peu traitée. Elle pose clairement la centralité de l’enjeu de l’Egalite entre les femmes et les hommes, au croisement des sphères professionnelles, économiques et familiales.

Comme l’ont souligné de nombreux chercheurs, les fondements de notre système fiscal actuel, né à la Libération, reposent sur une vision stéréotypée et datée du couple et de la famille. Il donne symboliquement une place centrale au chef de famille, notion qui a pourtant disparu du code civil que depuis 1970.

Ce système fiscal désuet s’inscrit aujourd’hui dans une réalité socio-économique très différente de celle des années 50, et qui s’impose à nous de façon incontournable où le modèle de l’homme considéré comme la ressource financière quasi exclusive du foyer, travaillant à plein temps, et au revenu allant croissant, est lourdement battu en brèche, alors doit-on reformer notre système fiscal fondé sur le foyer fiscal et considérer que l’unité d’imposition devrait être conçue en référence à l’individu ?

Prenons deux paramètres constitutifs de notre schéma social actuel:

Le modèle familial s’est considérablement transformé. Il y a de plus en plus de couples concubins, de familles recomposées, de familles monoparentales, de familles homoparentales, etc… Pour autant aujourd’hui ces ménages, riches de leur diversité, demeurent imposés en fonction de leur statut juridique donc de façon différente, et ce, indépendamment de leur capacité contributive, ce qui plaiderait pour une réforme afin de rétablir l’égalité de traitement devant l’impôt.

Second paramètre, depuis les années 1970, la part des femmes dans la population active a fortement augmenté. Cependant les femmes disposent le plus souvent d’un revenu plus modeste, du fait d’un travail à temps partiel ou d’inégalités salariales dans l’entreprise ou le secteur public. En conséquence, le salaire des femmes généralement plus faible est considéré comme le second revenu du ménage, et, à ce titre, selon certains économistes et fiscalistes, notre système actuel d’imposition tendrait à taxer ce second revenu à un taux marginal plus élevé que si nous étions dans une imposition distincte. Cela aurait donc un effet dissuasif pour les femmes mariées de travailler ou de reprendre une activité à temps complet.

Ces exemples militeraient bien évidement pour une réforme dans les meilleurs délais, vers une imposition individuelle, d’autant que notre système de protection sociale évolue en ce sens. Cependant cette question demeure complexe et l’on s’aperçoit que la donne en Europe est très contrastée. Même les pays qui se rapprocheraient le plus d’un système totalement individualisé d’imposition, le Danemark, la Suède et la Finlande, ont mis en place des pondérations par des systèmes de transfert entre époux.

Je suis donc particulièrement intéressée par l’analyse de nos éminents économistes. Ils vont nous apporter leurs expertises pour tenter d’esquisser les caractéristiques d’un système d’imposition « à la française » qui serait garant d’une autonomie financière des femmes au même titre que celle des hommes sans bien évidement léser les couples avec enfants.

Quelles que soient les points de vue des uns et des autres, le débat montrera à quel point la question d’une réforme de la fiscalité ne peut être dissociée de celle du Genre. Rendre la fiscalité plus juste et plus équitable entre femmes et hommes participe de cette transformation des mentalités indispensable pour aller vers une égalité réelle.